Le thème des liens sociaux est récurrent dans l’œuvre chorégraphique de Sylvie Pabiot, (Un Détroit, 2005 ; Rezo, 2008 ; A titre provisoire, 2012), car, pour elle, la danse est le lieu où se traduit la société et les rapports entre les individus.

De loin en loin raconte l’effritement des liens sociaux à l’heure où nos rencontres physiques s’éloignent dans le temps, et dans l’espace. Les liens sociaux qui nous unissent connaissent de profondes mutations depuis les années 60.

Le développement de la liberté individuelle s’est accompagné de la dislocation de la notion de groupe. Les schémas traditionnels de la famille, du travail, du groupe religieux, des liens amicaux se sont volatilisés et ont fait place à d’autres modes d’êtres. La révolution numérique qui a suivi et qui s’amplifie de jour en jour continue cette transformation profonde du rapport au collectif, à l’autre et à soi-même.

Grâce à une connexion numérique permanente, je suis sans cesse en lien avec l’absence : celle des autres qui sont loin dans l’espace, et la mienne, puisque je m’extrais d’un temps/espace présent pour me projeter dans un autre, virtuel.

La multiplication des potentiels de présences virtuelles crée une absence de présence à ce qui est physiquement ici et maintenant. L’isolement physique est un isolement social, et ce, malgré les « réseaux sociaux », les connexions continues, les multiples façons numériques de nous « rejoindre ». Le rapport à l’espace et au temps est complètement bouleversé, et nos adaptations prennent la vitesse des avancées technologiques.

Dans ce contexte, comment l’humain, esseulé, flexible, disponible et auto-entrepreneur de sa propre vie peut-il encore s’unir aux autres ?

Comment maintenir des liens avec des personnes que nous croisons de loin en loin ?

Et finalement, comment l’espace public reflète-t-il l’état de notre société ?